Je n’avais aucune attente concernant la sortie sur Netflix de Rebecca, nouvelle adaptation du roman de Daphné du Maurier, déjà immortalisé en 1940 par Hitchcock. Je n’ai pas lu le livre, j’aime bien la version de Hitchcock mais je ne suis pas puriste des remakes, et je n’ai rien contre Kristin Scott Thomas, Lily James ou Armie Hammer. Mais… Je suis complètement abasourdie par l’absence de relief de cette nouvelle version, dont je ne comprends absolument pas les décisions (ou l’absence de décisions) créatives. Pour reprendre une insulte proférée à mon égard quand j’étais en 6e, ce film est tellement plat qu’on pourrait le faxer.
C’est comme si on avait vidé toute l’œuvre d’Hitchcock de son mordant – et oui, le film invite immédiatement les comparaisons avec la version d’Hitchcock puisqu’il démarre exactement de la même façon. Sauf qu’ici, on ne trouve plus la musique sombre, ni le charme blasé de Laurence Olivier. Surtout, l’atmosphère gothique et pesante de Manderley a totalement disparu, remplacée par des décors certes somptueux mais qui ressemblent plus à un set Disney qu’à la demeure inhospitalière du film de 1940. Quant à Armie Hammer, que j’ai plutôt tendance à défendre en général, il est ici sans saveur, rougeaud, avec à peu près autant de charme qu’un manche à balai Gifi. Pour l’accent britannique, c’est encore pire: il n’essaie même pas, on dirait moi après deux minutes en cours d’EPS.
Le seul moment sympa, c’est quand ce serveur français s’impatiente parce que ses deux derniers clients traînent en terrasse.
Le plus gros problème, c’est que cette nouvelle version n’a rien de remarquable, aucune identité propre. Les costumes «d’époque» pourraient être portés en 2020 et venir de n’importe quelle période. La photographie lisse et lumineuse ressemble à celle de 90% des œuvres Netflix. Tout est… oubliable. C’est d’autant plus surprenant que le film est réalisé par Ben Wheatley, dont le High Rise m’avait fait forte impression (négative, mais forte). Ici, le cinéaste semble avoir bien rempli le cahier des charges de Netflix, mais n’essaie jamais de se réapproprier l’histoire, ou même de rendre les sous-entendus crypto-lesbiens un peu moins crypto. Je n’ai pas vraiment aimé le Suspiria de Luca Guadagnino, mais au moins il TENTAIT DES TRUCS. Quitte à faire découvrir une œuvre ancienne à un nouveau public, autant tenter de l’updater un peu, non?
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Quelle déception. Mads Mikkelsen sait être captivant rien qu’en respirant ou buvant un verre d’eau, et l’idée de profs de lycée secrètement bourrés a quelque chose de très jouissif. Mais après une heure de gags marrants mais un peu tièdes sur l’ivresse et la crise de la quarantaine, le film ne peut s’empêcher d’atteindre la même conclusion que la loi Evin: l’abus d’alcool est dangereux pour la santé et les boissons alcoolisées sont à consommer avec modération. Certes, on est tous déprimés en ce moment, mais c’est pas une raison pour encenser un film mou du genou, sous prétexte que Mads danse pendant 30 secondes à la fin sur une chanson pourrie.
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À part ça, la société de production Blumhouse a sorti une collection de quatre thrillers horrifiques sur Amazon Prime Video, intitulée «Welcome to the blumhouse». J’en ai vu trois sur quatre.
The Lie
Si vous avez regardé Seven Seconds, vous reconnaîtrez immédiatement la patte de Veena Sud: une ville grise et enneigée, une personne qui commet un crime et décide de le maquiller, un étau qui se resserre de plus en plus. Malheureusement, ce film n’a ni la finesse d’écriture ni les petites notes d’humour de Seven Seconds. Ça traîne un peu au début, ça commence à prendre de la vitesse au milieu, et puis ça part *totalement* en couilles. Dispensable.
Black Box
On dirait une agrégation de contenus entre Get Out, Black Mirror et tout un tas d’autres trucs, mais pour un dimanche soir ça fait parfaitement l’affaire. Ça vaut surtout le coup pour Mamoudou Athie (Sorry for your loss).
Nocturne
Le meilleur des trois, sur la rivalité de plus en plus sombre entre deux sœurs jumelles qui passent un concours de musique. Sydney Sweeney (vue dans Euphoria et The Handmaid’s Tale) est vraiment à surveiller.
Bonus DVD
J’ai eu le grand plaisir de participer au podcast Lynchsplaining, qui comme son nom l’indique, décortique les œuvres de David Lynch. On a analysé Mulholland Drive en profondeur avec Axel Cadieux, et le résultat, c’est une conversation de presque 3 heures (désolée).
The Ringer a fait une sélection des 50 meilleurs twists (en mélangeant cinéma et séries, grrr). Il en manque quelques uns non ?
Requiem for a dream a 20 ans, et pour l’occasion Vulture a publié une histoire orale du film. Depuis j’ai réécouté la bande-son, et réalisé que quinze ans plus tard, mon traumatisme face à ce film reste intact.
Mes blogueurs préférés Tom & Lorenzo qualifient Rebecca de «papier peint cinématographique». Pas mieux.
La critique de Rebecca par… la mère de ma pote
«C’est très lisse, on dirait un roman-photo».
Pour finir
8 scènes de danse mieux que celle de Drunk (et également mieux que l’intégralité de Rebecca):
US Go Home
Climax
Sailor et Lula
Et Mauvais Sang, une scène que j’aime tellement que je viens de me la faire tatouer sur le corps.
À la prochaine !