Quand les séries sont bonnes
Bonnes, bonnes, bonnes ! Et non, je ne vous parlerai même pas de Severance ou The White Lotus.
Quoi ? Une newsletter cinéma qui parle de séries ? Le jour de l’ouverture du festival de Cannes ? Hé oui que voulez-vous, je suis une vraie punk, je casse les codes dès le petit déj’, je disrupte le game de la newsletter.
Même si je ne parle généralement que de ciné par ici, j’ai toujours écrit à la fois sur les films et les séries (et je me suis toujours débrouillée, professionnellement, pour ne pas avoir à choisir entre les deux). J’ai eu la chance de démarrer ma carrière pendant l’une des périodes les plus excitantes de la télévision, et faire mes armes avec des chefs d’œuvre télévisuels comme Mad Men, The Americans, Parks and Recreation, Breaking Bad, Girls, The Leftovers, Game of Thrones (au début), Insecure, Halt and Catch Fire, The Deuce, Crazy Ex Girlfriend, Better Things, Atlanta... Les séries étaient un art populaire en pleine mutation, mais toujours méprisé artistiquement (il suffisait d’en parler avec des critiques ciné pour m’en rendre compte).
Et puis, sûrement mais pas si lentement que ça, le paysage s’est transformé. L’ouragan du streaming a bouleversé nos modes de consommation, et la manière-même dont les séries étaient conçues, écrites, tournées : le binge watching (que je n’ai jamais vraiment réussi à adopter) étant devenu la norme, la notion d’épisode est devenue plus floue, et les saisons plus courtes. Dans un écosystème conscient voire responsable de notre attention de plus en plus morcelée, les anthologies et les miniséries se sont multipliées, et les séries de plus de deux ou trois saisons se sont raréfiées. La télé est devenu un nouveau terrain d’expérimentation formelle pour des auteurs talentueux, délaissant l’un de ses ingrédients les plus cruciaux : la pérennité des histoires et des personnages. Quant aux stars du cinéma, elles ont commencé à vampiriser le petit écran, pourtant si méprisé depuis des décennies, pour nous proposer des «films de dix heures» (soupir) et des whodunit de prestige de moins en moins captivants. Tandis que la bulle de la Peak TV ne cessait de gonfler, la qualité, elle, ne suivait plus.
Sans m’en rendre compte, j’ai commencé à moins écrire sur les séries. Au cinéma, je trouvais encore des multitudes de récits qui me bouleversaient, mais plus à la télé, que je regardais de moins en moins à part quand j’y étais forcée. Pire, je me suis transformée en folle du rond point, radotant en boucle sur la mort du format épisodique, des writers rooms, des castings d’inconnus et des séries conçues pour durer sur la longueur. À chaque fois que je parlais de séries, c’était pour dire que c’était mieux avant, et sentant que j’étais trop jeune pour me muer en vieille conne, j’ai préféré me tourner vers les arts qui m’enthousiasmaient encore, comme le cinéma ou la musique.
Mais pour citer l’un des emblèmes de la nouvelle télé, le temps est un cercle plat. Et ces derniers mois, quelqu’un semble avoir rallumé la lumière dans mon cœur de sériephile. Je ne sais pas si c’est la grève d’Hollywood qui a remis les pendules à l’heure, ou le fait que les plateformes de streaming réalisent enfin que des séries qui ont les épaules pour durer longtemps, ça fidélise un public – et que dans un environnement de plus en plus concurrentiel, se démarquer sur le long terme, ça peut être pas mal. Dans tous les cas, j’ai le sentiment qu’un vent nouveau d’inspiration souffle sur l’industrie télé, et je m’en réjouis.
Plot twist !
Tout ceci était en fait une introduction bien trop longue pour vous partager mes plus gros coups de cœur récents :
The Pitt (HBO Max) : Cette plongée immersive dans la journée de garde d’un service des urgences de Pittsburgh est créée, produite et incarnée par des anciens d’Urgences. C’est donc la fusion parfaite entre les techniques de narration modernes et la magie de la télé d’antan : un concept fort allié à une intrigue simple et faite pour durer, un casting peu connu mais attachant, qu’on a envie de suivre pendant des années. Tout simplement la meilleure série de l’année, et sans doute celle qui m’a un peu redonné foi en l’avenir du petit écran.
Andor (Disney +) : Cette passionnante série d’espionnage, dont on avait parlé dans Peak TV après la saison 1, suit le combat de l’alliance rebelle face à l’Empire galactique. Mais pas besoin de s’intéresser à l’univers de Star Wars pour apprécier la construction complexe et le rythme haletant de cette histoire de résistance face à la montée du fascisme. L’excellente saison 2, ultime volet d’une série qui devait à l’origine en comporter cinq, est faite d’ellipses radicales, et raconte, entre autres, l’anéantissement froid et méthodique d’un peuple tout entier. Toute ressemblance avec la réalité n’est sans doute pas fortuite.
The Four Seasons (Netflix) : Quatre couples d’amis quinquagénaires se retrouvent pour les vacances, au cours de quatre saisons différentes. J’ai d’abord regardé parce que Tina Fey était créditée comme créatrice, et qu’elle me manquait beaucoup (quand je vous dis que c’était mieux av– pardon). J’ai ensuite été frappée par la finesse d’écriture de la série, incarnée par Fey mais aussi d’autres légendes de la comédie comme Will Forte et Steve Carrell, et sa douceur presque désuète. J’ai beaucoup ri, et derrière les gags, j’ai été impressionnée par la mélancolie du propos sur le couple, et les relations humaines à l’épreuve du temps. Bonus : voir l’incroyable Colman Domingo tout dévorer dans un rôle comique qui lui sied à merveille.
Dying for sex (Disney +) : Une femme atteinte d’un cancer incurable décide de larguer son mec et de pécho tout ce qui bouge dans l’espoir d’obtenir de meilleurs orgasmes. À première vue, cette minisérie adaptée d’un podcast et incarnée par une star de cinéma (Michelle Williams) a tout ce que je n’aime pas. Mais à deuxième vue, elle a tout ce que j’aime : une écriture tellement ciselée qu’elle pourrait être dégustée dans un trois étoiles Michelin, des personnages riches, complexes et attachants, et un excellent sens du récit (épisodique!). J’ai ri à gorge déployée, et j’ai pleuré des litres de larmes.
Bonus
Pour Marie Claire, j’ai écrit sur The Pitt et le retour des séries old school (oui, clairement, je radote).
Après avoir vu The Amateur et ses nombreux clins d’œil au génialissime Les trois jours du Condor, j’ai eu envie d’écrire un article pour Slate sur les liens entre films d’espionnage et réels enjeux géopolitiques.
Puisqu’il s’agit quand même toujours d’une newsletter cinéma, j'ai un truc à vous dire... Je lance un nouveau podcast, toujours produit par Slate, dédié à l’actualité et aux coulisses du cinéma. Ça s’appelle Anaïs se fait des films, et les sept premiers épisodes (dont le premier est disponible ici) seront consacrés au festival de Cannes, qui démarre ce soir. J’ai hâte d’entendre vos retours.
D’ailleurs, depuis ma dernière newsletter, quelques titres ont été rajoutés à la sélection cannoise, et pas des moindres… Spike Lee hors-compète, mais aussi Lynne Ramsay ou Bi Gan en compétition. Il me tarde de vous reparler de tout ça.
J’ai oublié de parler d’une de mes plus grosses attentes de Cannes : Top Gu Mission Impossible 8 !!!!!!!!!!!!!!!! Plus qu’un jour avant de le découvrir, et vous n’imaginez pas à quel point je suis excitée à l’idée de voir Tom Cruise risquer sa vie 72 fois par minute.
Allez salut !
Suite à ces recommandations, j'ai commencé The Four Seasons et ça me plaît beaucoup, un grand merci! Et merci aussi pour The Pitt, que j'ai dévorée après qu'elle ait mentionnée dans Amies! Des séries dont l'existence fait juste du bien! (Et je suis à la fois hyper hypé et hyper triste de la fin de Andor demain!)
The Pitt: Excellentissime
Andor: je trépigne d'impatience avant les trois derniers épisodes en regardant une autre pépite "The Offer" qui raconte le making-of du Parrain. C'est assez meta, parce que ça parle de création et du business de la création.