Cannes you feel it ?
Alors que démarre ma préparation intensive pour le festival de Cannes 2025, petit débrief de la sélection.
Tout d'abord, je tiens à m'excuser pour ce titre honteux, à un milliard sur l'échelle de Richter de la dad joke. C'est juste que j'ai du mal à contenir mon enthousiasme (et mon appréhension), à l’approche de la saison la plus intense de mon année : Cannes.
Hé oui, si vous pensiez que Cannes est un festival de cinéma se déroulant du 13 au 24 mai, vous aviez tort. Comme celle des awards, «Cannes» est une saison à part entière. Une période grisante et éreintante d’au moins deux mois, dont le festival n’est que le point culminant. Et à chaque printemps, alors que le coup d’envoi se rapproche, l’excitation grimpe.
Certains signes annonciateurs ne trompent pas : il y a environ deux semaines, j'ai fait mon premier stress dream de l’année se déroulant dans un festival de ciné. Tous les ans à la même période, je fais des cauchemars récurrents situés dans un festival non-identifiable, et l’intrigue est toujours plus ou moins la même : soit je suis perdue, soit je suis en retard (soit je suis perdue et en retard), soit je ne trouve pas de place pendant une projection, soit mes amis sont tous partis manger à la cantine sans moi. Ah non ça c’est un autre cauchemar récurrent, pardon.
Quelques jours après ce premier signal d’alarme, alors que les premiers rayons de soleil printaniers commencent à réchauffer Paris, je ressens, pour la première fois depuis des mois, l'irrépressible envie de réécouter ma dernière playlist de Cannes. Ça y est, mon corps est prêt.
Mais la saison ne démarre véritablement qu'à la mi-avril, avec l'annonce de la sélection officielle. Maintenant que tous les films ont été annoncés, passons donc en revue mes plus grosses attentes, mes craintes et mes prédictions concernant la compétition (aka les films qui sont susceptibles de remporter la Palme d’Or).
On surveille de très près :
Eddington d’Ari Aster : Les fans d’AMIES le savent, je suis une immense fan d’Hérédité et de Midsommar. Mais depuis que j’ai été oculairement martyrisée par Beau is Afraid, qui, pour citer une consœur, s’achevait sur «des bites géantes un grenier», j’ai peur que la carrière de cet auteur prometteur ne prenne un tournant de moins en moins subtil. Le film se déroule en l’An Maudit (2020) et parle du covid. Je sais pas, je le sens mal… Mais j’espère avoir tort !
Alpha de Julia Ducournau : C’est sans doute une énorme pression de revenir en compétition après une Palme d’or, a fortiori en tant que jeune réalisatrice (pour rappel, on compte six femmes parmi les 19 films de la compétition cette année). En tout cas, j’ai très hâte de découvrir le nouvel ovni de la réalisatrice de Grave et Titane, ou pour citer Spike Lee, «Tetaine».
The Mastermind de Kelly Reichardt : Josh O’Connor n’abandonnera pas tant qu’il n’aura pas eu son prix d’interprétation cannois. J’adore Kelly Reichardt donc je suis chaude.
Nouvelle vague de Richard Linklater : Je donnerais sans doute mon rein à Richard Linklater s’il me le demandait. Qu’il s’agisse de la trilogie Before, de Boyhood, ou de Slacker, impossible de quantifier l’impact que sa filmographie a eu sur moi (est-ce que le fait qu’il vient d’Austin, ma ville âme-sœur, est une coïncidence ? Je ne crois pas). Le Texan présentera cette fois un film en français, sur la production d’À bout de souffle. Ce qui me fout un peu la flemme, parce que ça veut dire que je vais devoir remater À bout de souffle.
Deux procureurs de Sergei Loznitsa : Après un film immersif sur le Donbass, un documentaire sur le massacre de Babi Yar et un film d’archives sur l’enterrement de Staline, voici un nouveau projet qui promet de respirer le fun et la légèreté. (Je charrie parce que je l’aime bien).
L'Agent secret de Kleber Mendonça Filho : J’adore Mendonça Filho et j’adore les agents secrets donc je suis chaude.
Dossier 137 de Dominik Moll : J’adore les dossiers et j’adore les nombres impairs donc je suis chaude. Et plus sérieusement, j’ai adoré La Nuit du 12.
The History of Sound d’Oliver Hermanus : Un des projets les plus attendus de l’année, puisqu’il met en scène une romance gay entre les deux petits amis officiels d’internet, Josh O’Connor et Paul Mescal. Alexander Dynan, le chef op’, a aussi fait l’excellente photo des derniers films de Paul Schrader. On espère que le film sera à la hauteur de la hype.
La petite dernière de Hafsia Herzi : J’ai raté Bonne mère, mais j’avais adoré l’intelligence et la sensibilité de Tu mérites un amour.
Sound of Falling de Mascha Schilinski : Déjà élue cinéaste de la compète dont le nom sera le plus fréquemment écorché. En tout cas, j’ai lu sur Wikipédia «flux de souvenirs associatifs de la vie de quatre filles dans une ferme d'Allemagne de l'Est sur une période d'environ 100 ans» et j’ai immédiatement eu envie de le voir.
On attend de voir
The Phoenician Scheme de Wes Anderson : Au risque de vous choquer, je suis une agnostique de Wes Anderson. Il y a quelques années, j’ai zappé la projection officielle de The French Dispatch pour aller à une projection publique de Fast and Furious 9 sur la plage. Cela devrait vous résumer ma position.
Un simple accident de Jafar Panahi : Laissez-moi deviner… cet accident n’aura au final rien de simple.
Les aigles de la République de Tarik Saleh : J’ai gardé un bon souvenir de son film d’espionnage La Conspiration du Caire, qui avait une petite vibe «Harry Potter à l’école des imams». Mon avis très argumenté de l’époque :
Romeria de Carla Simon : Je dois rattraper ses précédents films, dont on m’a dit beaucoup de bien.
Sentimental Value de Joachim Trier : Pour l’instant, je préfère rester prudemment optimiste quant au retour en compétition du réalisateur de Julie en 12 chapitres (qui m’avait moins renversée que la plupart de mes confrères). (Sauf le chapitre 2 qui était génial !)
Renoir de Chie Hayakawa : J’essaie d’en apprendre le moins possible sur les films avant de les découvrir, mais apparemment ça n’a rien à voir avec le peintre.
Sirat d’Oliver Laxe : Je ne maîtrise pas bien sa filmographie (en langue critique ciné, ça veut dire «Je n’ai vu aucun de ses films»). Mais je vais essayer de bûcher ça avant le début de festival.
On souffle
Jeunes mères de Jean-Pierre et Luc Dardenne : Oh shit, here we go again. Thierry Frémaux a devancé les critiques lors de sa conférence de presse, en disant «assumer» le retour des frères belges, déjà deux fois palmés d’or, en compétition. Il faut dire que leur présence systématique est devenue la tarte à la crème du festival. J’ai personnellement détesté leurs deux dernières propositions (Le jeune Ahmed et Tori et Lokita) mais aimé beaucoup de leurs films, donc j’y vais avec une attente… neutre.
Fuori de Mario Martone : Cette newsletter manque de polémiques, alors je vais vous avouer un truc – j’ai rarement aimé un film italien à Cannes. Je ne sais pas pourquoi. J’en parlerai à ma psy.
Voilà pour la compétition. Mes prochaines semaines vont être consacrées à une préparation intensive, mais je vous reparlerai sans doute de Cannes dans très peu de temps, et j’espère pouvoir détailler mes coups de cœur dans les autres sélections. En attendant, je relance un appel du compte Instagram d’AMIES : quelles questions aimeriez-vous me poser sur le festival de Cannes ?