J’ai un problème (enfin, j’en ai beaucoup, mais je ne pense pas que le fait que mon voisin mate The Office à fond dix heures par jour, tous les jours, vous intéresse): je déteste les jumpscares. Pour les non-initiés, il s’agit des moments qui font sursauter dans les films d’horreur. Vous savez, ce moment où le héros regarde dans le miroir de sa salle de bains, l’ouvre pour attraper un truc à l’intérieur, et quand il le referme, BAM, y a un fantôme dans le miroir. L’horreur a beau être un de mes genres préférés, je déteste me sentir maltraitée par un film qui s’intéresse moins à l’histoire qu’il raconte et plus aux chocs cardiaques qu’il m’inflige. Visiblement, je ne suis pas la seule, puisque parmi les recherches les plus populaires concernant les jumpscares sur Google, j’ai trouvé «peut-on mourir d’un jumpscare» (ma plus grande peur) ou encore «comment faire pour ne pas sursauter pendant un jumpscare» (retenez votre respiration quand vous en sentez un venir, j’ai tenté ça marche par contre si le jump scare arrive deux minutes plus tard vous serez peut-être décédé entre temps). Mon petit secret avant de regarder un film flippant: le site wheresthejump.com, qui répertorie et décrit tous les jumpscares dans la plupart des films d’horreur. Certes, vous vous faites spoiler, mais il faut choisir ses batailles dans la vie.
Tous les films devraient être comme Suspiria: moins de jumpscares, plus de jolies tapisseries.
Bien-sûr, beaucoup d’excellents films d’horreur contiennent d’excellents jumpscares. Celui qui conclut Carrie est iconique, ceux de The Conjuring sont terrifiants, celui à la fin de Paranormal Activity m’a traumatisée. Quant à Jusqu’en enfer, il s’agit d’un de mes films d’horreur préférés, pourtant il en contient pas moins de 23 !!!! Ce qui me pose problème, en fait, ce ne sont pas tant les jumpscares, mais les films qui ne se reposent que sur ça pour provoquer une réaction et susciter la peur.
Pour un article qui sortira très prochainement sur Slate.fr, j’ai eu le plaisir de m’entretenir avec Natalie Erika James, réalisatrice australo-japonaise qui sort mercredi son film d’horreur Relic. On a parlé des jumpscares, et du fait qu’ils sont devenus, ces derniers temps, un stratagème un peu paresseux. Voilà ce qu’elle m’a dit:
«Bien-sûr, parfois ils sont justifiés et très intelligemment exécutés, mais dans une certaine mesure, [les jump scares] sont juste des feintes; c’est juste un bruit fort et une coupe rapide. On perd un peu confiance en le réalisateur après ça. Je suis intéressée par le cinéma d’horreur asiatique depuis l’adolescence et ce que j’adore dans ce cinéma, c’est l’idée de retenue, et la technique qui consiste à construire l’horreur directement dans le cadre, plutôt que de se reposer sur un jumpscare.»
Autant vous dire que cette femme est merveilleuse, allez voir son film, qui fait très peur et ne contient aucun jumpscare.
Aussi à l'affiche
Celui qui m’a fait pleurer sous mon masque : Never Rarely Sometimes Always.
Eliza Hittman (Les Bums de plage) est très forte pour faire monter doucement l’émotion, avec des dialogues épars et une mise en scène très pudique. Le film raconte l’histoire d’une adolescente du Massachusetts qui se retrouve enceinte (on ne sait pas de qui même si plusieurs pistes sont données) à 17 ans. Pour pouvoir avorter sans la permission de ses parents, la jeune fille est obligée de se rendre à New York, en plein hiver, et gérer le poids émotionnel, physique et financier du séjour. La scène qui donne son titre au film, où l’héroïne doit répondre à un questionnaire sur sa vie intime avant son avortement, m’a complètement détruite.
Celui qui a fait fondre mon petit cœur : Kajillionaire.
L’artiste Miranda July filme une famille d’arnaqueurs de bas-étage, dont la fille, Old Dolio (Evan Rachel Wood), a clairement grandi sans aucune affection. Lorsque Melanie (jouée par l’actrice la plus lumineuse du monde, Gina Rodriguez) s’incruste dans leur bande, Old Dolio commence à voir le monde sous un autre jour, et découvre des sentiments qu’elle n’avait jamais eus auparavant. C’est très loufoque, totalement charmant, et la dernière scène est parfaite.
Celui qui ne mérite pas votre temps : The Devil All The Time (Netflix).
Quelqu’un l’a décrit comme une compilation d’auditions pour True Blood, et je n’aurais pas su dire mieux. Ce film est une catastrophe, et le faux accent du Sud de Robert Pattinson est peut-être un des plus grands affronts auditifs jamais commis. Un néo-noir longuet qui aimerait jouer dans la même cour que les frères Coen mais n’en a ni l’humour, ni l’intelligence, ni la clarté, ni la profondeur. Si vous voulez une saga épique dans le sud des Etats-Unis avec Jason Clarke disponible sur Netflix, regardez plutôt Mudbound de Dee Rees.
Celui qui se la pète un peu trop : Antebellum.
J’ai vu ce film pendant qu’il y avait un bruit d’explosion à Paris, bah le bruit d’explosion ça avait l’air vachement mieux. Ce divertissement à twists sur l’atrocité de l’esclavagisme semble plus préoccupé par son côté «cool» que par l’intériorité de ses personnages.
Celui qui m’a fait flipper et pleurer : Relic.
L’histoire d’une grand-mère dont la santé se dégrade, et de sa fille et sa petite-fille qui se sentent impuissantes face à l’inévitable.
Celui qui est enfin sur Netflix : First Reformed.
Dieu / Ethan Hawke livre une de ses meilleures performances (et c’est dire) dans le rôle d’un aumônier désillusionné qui se met à doucement vriller. Je ne peux rien vous dire de plus mais ce film est vraiment une merveille.
Le coin VHS (aka les vieux trucs vus ou revus)
Rebecca (Alfred Hitchcock) – Ça valait le coup rien que pour cette réplique:
Rabbit Hole (John Cameron Mitchell) – Ça valait le coup rien que pour voir Nicole Kidman gifler une inconnue dans un supermarché.
Hush (Mike Flanagan) – Je me suis fait un petit marathon Mike Flanagan pour me préparer avant l’arrivée de Bly Manor sur Netflix, et c’est de loin mon préféré. Inventif, flippant, court, toujours ancré dans l’émotion et la performance hallucinante de Kate Siegel: ce film, c’est vraiment tout ce que j’aime dans l’horreur.
Bonus DVD
Cet article tente de réhabiliter la performance (longtemps raillée) d’Elizabeth Berkley dans Showgirls – et il y arrive plutôt bien en fait.
Je remarque que beaucoup de gens ne le connaissent pas encore, alors je partage le bon plan: Roger Deakins et sa femme James Ellis Deakins ont lancé un podcast pendant le confinement. Ils y parlent de l’art du cinéma, de tous les films sur lesquels ils ont travaillé, et interviewent régulièrement des pointures du milieu. C’est un régal.
Je suis tombée sur cette vieille liste de remakes de films d’horreur qui sont bien. Je plussoie le nouveau Evil Dead, qui vaut le détour, et personnellement, j’aurais rajouté La Colline a des Yeux d’Alexandre Aja.
Cette histoire d’Antebellum qui utilise l’horreur de l’esclavage pour servir un divertissement totalement creux, ça m’a rappelé cet excellent article sur la série Hunters, et la manière parfois grotesque dont les crimes nazis sont représentés dans la fiction.
Pour finir
Films d’horreur : the mauviette edition
Petite sélection de bons films avec peu ou pas de jumpscares, classés du moins au plus flippant.
The Love Witch: un excellent film féministe et rétro qui ne fait absolument pas peur du tout.
Green Room, You’re Next, The Hunt: funs mais violents.
Carrie, Les Dents de la Mer, Rosemary’s Baby, The Fly, Psychose: les chef d’œuvres qui font pas non plus trop flipper.
Hush: stressant mais pas terrifiant.
Midsommar, The Lighthouse, The Witch: les cool kids, plus perturbants que flippants.
Get Out: à part le premier jumpscare, c’est tranquille.
Gerald’s Game: ça ne fait pas vraiment peur mais ne le regardez pas si vous avez vomi devant 127 Heures.
Suspiria (1977): ça ne fait pas vraiment peur et surtout c’est DE L’ART.
Relic: très flippant surtout si vous êtes claustrophobe.
Blair Witch: zéro jumpscare, mais c’est le film le plus terrifiant de l’histoire.
Si vous avez des films d’horreur sans jumpscare (mais flippants quand même) à me recommander, n’hésitez pas!
J'avoue avoir été un peu traumatisé, à l'époque de sa sortie en salle, par 'Haute Tension' d'Alexandre Aja.